Cet amour-là

"Elle dit: non, ne pleurez pas, ce n'est pas triste, en rien, en aucun cas. Il s'agit de vous et de pas vous, oubliez votre personne, ça n'a aucune importance. Il ne faut pas se prendre pour un héros. Vous êtes rien. C'est ce qui me plaît. Restez comme ça. Ne changez pas. Restez. On va lire ensemble."

Yann Andréa

Jeune fille

Jeune fille a jeun, perdue, glacée : il est des choses comme ça qui collent à la rétine, qui sont bien pires que le souvenir. La question n’est pas de savoir pourquoi on en vient à tel ou tel type de support. La question n’est pas non plus de savoir si le besoin ou la pulsion sont sincères. La réponse est claire, toutes leurs voix se joignent pour le dire : c’est qu’il n’y a pas d’autrement. Il ne s’agit pas de faire une belle prose. Il ne s’agit pas non plus de s’inscrire dans un Panthéon. Il ne s’agit pas de prendre position et de se placer pour se placer contre, avec ou sans. Il s’agit d’un fait : ceci est. 

Dans mon cas, ceci ne va pas avec cela. Si je devais te donner une image, je parlerais de planète Terre, de plaques en mouvement, de séismes et d’éruptions. Donc non, pas de muse bénie ou maudite, pas non plus de travail méticuleux et précis. Arrêtons de mentir. Arrêtons de prétendre que nous avons prise sur ces choses-là, pour ne froisser personne et éviter le bucher. Il y a, tout au plus, la possibilité de mettre des tuteurs ça et là. De faire de son mieux avec ce qui est. Mais il est absolument impossible de gérer ça, de le maîtriser. Il est impossible de l’expliquer, et c’est pour ça que c’est comme ça : bouillonnant, bouleversant, traumatisant voire épanouissant. Si c’est lisse, si c’est bien, ça ne sert à rien. 

Point. 

Ce que je cherche à te dire par là, c’est qu’il n’y a aucune raison pour que moi je t’écrive. Je n’ai rien d’intéressant à te dire. Je suis cette petite fille qui trouvait physiquement révoltant de voir les ventres des femmes enfler. Qui trouvait ça dégueulasse. La petite fille qui jouait à la poupée et aux Barbies, oui, comment faire autrement, mais qui habillait Barbie avec des robes indécentes et lui faisait boire du whisky comme papa, laisser des traces de rouge sale sur ses mégots. Je suis cette petite fille qui restait assise des heures entières à salir ses doigts en tournant les pages de romans pathétiques, effaçant quelques lettres au passage, disparaissant de la surface de la terre le temps de ses voyages imaginaires. Je suis cette petite fille que le monde veut effacer et qui s’effacerait bien volontiers si seulement.

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